En cette période d’Halloween, monstres, fantômes et sorcières sortent le bout de leur nez. Mais que sait-on véritablement des sorcières ? Issues des plus lointaines mythologies grecques, elles ont subi toutes sortes d’accusations. Ces femmes mystérieuses pouvant donner la mort ou l’amour ont été les victimes de nombreux drames. Ensemble, partons sur leurs traces.
Entre mythe et réalité
La vision antique de la sorcière a joué un rôle primordial dans la caractérisation, autant que dans la dépréciation, de l’entité telle qu’on la voit aujourd’hui.
Dans la mythologie grecque, un curieux personnage peu connu du grand public, peut ressusciter les morts. Il s’agit d’Asclépios, le dieu de la médecine, qui utilise des potions pour guérir et soigner. C’est de là que les sorcières empruntent ce symbole. Sorcellerie et médecine deviennent alors consubstantielles.
Dans la Grèce Antique, la Thessalie était considérée comme la terre des sorcières. Cette région traditionnelle et historique de la Grèce est située au centre du pays. Elle est entourée de reliefs parmi lesquels se trouve, au Nord, le Mont Olympe, longtemps considéré comme le jardin secret des Dieux.
Les pratiquantes de sorcellerie pouvaient s’apparenter à des chamanes. Ces femmes, en harmonie avec la nature, étaient des herboristes, des sages-femmes, des devineresses, des astrologues, ou encore des guérisseuses. Et même si tolérée, la sorcellerie restait malgré tout interdite. L’Empereur Auguste faisait brûler les manuscrits de magie et les pratiquants étaient condamnés à l’exil.
La Sorcière Erichto
Cette sorcière thessalienne est probablement à l’origine de l’image que l’on a aujourd’hui du personnage. Dans La Pharsale, Livre VI, Lucain en fait une description intéressante : “Une maigreur affreuse envahit le visage flétri de la sacrilège, et sa face terrible, inconnue du ciel serein, est empreinte d’une pâleur stygienne et alourdie de cheveux en désordre”. Comme une sorcière qui sort d’un conte pour enfants, Erichto est laide, maigre et ses cheveux sont emmêlés. Elle détient également l’un des premiers pouvoirs attribués aux sorcières : la capacité de communiquer avec les morts.
La Chasse aux sorcières
« Les sorcières ne sont pas l’affaire du Moyen Âge mais de l’époque moderne. » dit Michel Pastoureau, grand historien français.
Soulevons le drap du mythe des sorcières pour regarder un peu de plus près ce qui s’y cache dessous. En Occident, l’image des sorcières et du sombre Moyen âge sont indissociables. Vous serez cependant surpris d’apprendre que c’est pendant la Renaissance et plus précisément durant sa période Humaniste, que le plus grand nombre de crimes contre les sorcières ont été commis. l’Humanisme fût un mouvement culturel, philosophique et artistique qui, suite à la redécouverte de textes antiques, décide de faire de l’Homme et de son épanouissement le centre de ses intérêts. C’est en cette période de la gloire de l’Homme que des dizaines de milliers de femmes, accusées de sorcellerie, furent exécutées.
Il faut savoir qu’au Moyen Âge, les femmes accusées de sorcellerie, qui étaient plus considérées comme des folles que des sorcières, n’étaient pas persécutées. Elles étaient simplement mises à l’écart de la société en suscitant, dans le cœur des habitants, plus de pitié que de peur.
A la Renaissance, les femmes considérées sorcières étaient principalement des guérisseuses détentrices de savoirs ancestraux non admis par le credo humaniste qui se fondait sur la science et le savoir. Ces pratiques médicinales furent alors qualifiées de “magiques” et les chasses aux sorcières débutèrent.
L’Eglise joue également un rôle principal dans l’histoire de ces massacres. En effet, en cette période ou le monde change et se redécouvre, le christianisme recherche de nouveaux fidèles. Pour ce faire, l’Eglise use des accusations faites contre les sorcières pour divertir le peuple et satisfaire sa soif de violence. Ces femmes, plus innocentes que sorcières, ont alors servi de bouc émissaire, victimes de l’horreur organisée en faveur de la propagande du christianisme.
Les Sorcières de Salem
C’est l’histoire de la famille Parris qui s’installe, en 1992, dans le village de Salem. Ils étaient cinq, l’époux et son épouse, leur fille, leur nièce et leur esclave Tituba. Avant d’aller se coucher, les deux fillettes se faisaient conter des histoires par Tituba. Mais ces nouvelles sortent de l’ordinaire : la femme leur relate des récits vaudous et leur prédit l’avenir. Un jour, les deux fillettes présentent d’étranges signes de possessions : elles parlent une langue inconnue et deviennent parfois invisibles. Une fois déclarées possédées par le diable, trois femmes sont accusées de sorcellerie. Tituba, Sarah Osborne, une femme âgée malade et Sarah Good, une mendiante, sont alors emprisonnées. Très vite, de nouvelles accusations surgissent et d’autres femmes de Salem s’entassent dans le pénitencier en attendant d’être exécutées. En seulement un an, 200 suspectes sont arrêtées, 150 sont placées en détention et 19 sont pendues. Au total, l’affaire des sorcières de Salem a fait 40 morts.
La sorcière contemporaine
L’image de la sorcière prend un tournant décisif, incarnant à la fois idéaux politiques et personnages folkloriques.
La première personne à associer les sorcières au féminisme est Mathilda J. Gage en 1893 dans son livre Femme, Eglise, Etat. Elle est également l’une des premières à poser un regard neuf sur ces femmes mortes au bûcher. Cette autrice américaine, qui a lutté et milité pour le droit de vote des femmes, propose dans son œuvre une toute nouvelle vision de la sorcière. A travers un regard féministe, elle pointe du doigt leur histoire douloureuse. C’est parce qu’une sorcière est une femme qui a du savoir et donc du pouvoir, qu’elle est persécutée. Ces massacres résultant des chasses aux sorcières, associés par certains à un génocide, constituent un véritable crime contre l’humanité.
Pour plusieurs courants féministes de la seconde vague, la sorcière incarne un symbole de revendications. Le jour d’Halloween de l’année 1968, est né la Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell (W.I.T.C.H.), où des femmes vêtues de capes noires, dansaient la sarabande dans Wall Street. La sorcière devient alors une figure de revendication, de résistance et de libération face aux oppressions misogynes.
Mais la sorcière n’est pas que l’incarnation d’un engagement politique, elle est aussi un des symboles de la fête d’Halloween. La nuit tombée, alors que tout le monde dansait et riait, pour vaincre la peur des esprits de l’au-delà venant se mêler aux vivants, les sorcières enfourchaient leur balais en bois de genêt pour voler dans le ciel étoilé.
Aujourd’hui, on retrouve des sorcières dans ce qu’on appelle la sorcellerie moderne : la Wicca. Ce mouvement comprend des éléments de différentes croyances telles que le chamanisme, le druidisme ou encore les mythologies gréco-romaines. Les wiccans vouent un culte à la nature et à sa force et, une grande partie d’entre eux, pratiquent la magie. La Wicca s’est diffusée dans les années 1970, appelant à la redécouverte du féminin sacré, et prospère encore aujourd’hui. De nombreuses “Modern Witches” considèrent la Wicca comme un véritable mode de vie où la paix, le bien-être spirituel et la compréhension du monde constituent l’équilibre à atteindre.
Accusée d’être une sorcière, Akua Denteh de 90 ans a été lynchée et battue à mort dans les rues de Mempeasem en juillet 2020. Dans certaines régions d’Afrique, les sorcières font peur et sont pourchassées. Selon Amnesty International en Gambie, plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et placées en détention. Ces personnes sont torturées et forcées à boire une boisson hallucinogène les contraignant à avouer leur sorcellerie. La chasse aux sorcières est encore loin d’être terminée.