Le rire jaune est une expression bien connue en français qui est souvent utilisée pour décrire un rire forcé, contraint ou moqueur. Mais d’où vient cette expression et pourquoi l’associe-t-on à la couleur jaune ? Nous allons explorerer les différentes théories quant à l’origine de cette locution et son sens actuel.
Les premières mentions du rire jaune
On trouve mention du rire jaune dès 1835 dans un roman de Paul de Kock intitulé « Un diable de peintre ». L’auteur y décrit des personnages souriant «jaune comme si on allait leur faire avaler du derrière». Cette première mention ne donne cependant pas d’idées précises sur l’origine de cette expression ni sur le sens exact qu’on lui prête aujourd’hui.
Un rire qui a la couleur de la duplicité
La couleur jaune associée à la tromperie
Une explication plus convaincante se trouve du côté de l’association entre la couleur jaune et la tromperie, la malveillance ou encore la lâcheté. Dans plusieurs cultures, le jaune est considéré comme une couleur liée à ces comportements négatifs : par exemple, en Grèce antique, Héraclès devait porter une robe tissée de fils jaunes pour expier la honte d’être dupé par Omphale, ce qui a péjorativement coloré cette couleur. En France sous l’Ancien Régime, les vêtements des escrocs étaient marqués de jaune afin de signifier leur bassesse et de les stigmatiser. Si la référence à cette couleur contribua à donner un caractère infamant à certains actes, elle serait passé dans l’expression « rire jaune » pour lui conférer une idée négative.
L’argot du 19e siècle et le « rire farine »
Par ailleurs, il existe une autre piste intéressante pour expliquer l’origine du mot « jaune » dans cette expression : au 19ème siècle, dans l’argot français, on parlait aussi du « rire farine« . Cette variante du rire jaune provient peut-être du poids attribué à la farine plus ou moins jaunâtre utilisée pour confectionner le pain et par extension aux mendiants qui devaient se contenter des pains de médiocre qualité en croûte grossière, issus de mauvaise farines et donc d’une couleur bien différente du blanc valorisant réservé à ceux de bonne qualité. Ainsi, quelqu’un qui rirait « farine » montrerait son amertume et sa déception dans un contexte plus large que celui strictement alimentaire.
Le rire jaune, un rire forcé et sans joie
Aujourd’hui, l’expression « rire jaune » est clairement associée à un rire peu sincère et sans réelle gaieté. On l’utilise généralement dans deux situations :
- Un rire contraint : lorsqu’on est face à une situation désagréable ou embarrassante, on peut être amené à « rire jaune » pour ne pas montrer ses véritables émotions.
- Un rire moqueur : le rire jaune peut aussi servir à se moquer de quelqu’un ou d’une situation sans en avoir l’air. Par exemple, si quelqu’un raconte une histoire peu drôle que personne n’a envie de rire, les gens présents peuvent adopter un « rire jaune » pour feindre l’amusement tout en faisant comprendre qu’ils ne trouvent pas la situation vraiment drôle.
Le rire jaune et la physiologie du rire
Le rire forcé, une allusion aux battements d’ailes du canard
Certains spécialistes s’accordent également sur une dimension physiologique du « rire jaune« , qui serait liée à une comparaison avec les oiseaux dont certains peuvent présenter un plumage teinté en partie de cette couleur notamment chez certaines espèces de canards qui ont les pattes et le bec jaunes et chez qui les sons produits évoquent les cris des animaux plaisamment qualifiés de rires. On a ainsi pu imaginer que ces canards au rire prononcé étaient une façon détournée de représenter ce son particulier associé à une couleur inhabituelle sujette à interprétation ironique.
La position des mains sur le ventre, un rire « pas net »
Enfin, une dernière hypothèse relie l’origine du terme « jaune » dans cette expression à la gestuelle caractéristique du rire forcé : lorsque l’on rit jaune, on a en effet tendance à placer les mains sur le bas-ventre, comme pour se protéger. Or, dans la symbolique traditionnelle chinoise, la couleur jaune est associée à la Terre et au centre (de soi-même ou de l’espace), ce qui peut expliquer que cette couleur soit liée indirectement à l’idée d’un rire « pas net » ou peu sincère, que l’on tente de dissimuler.
Au final, il est difficile de déterminer avec certitude quelle est l’origine précise de l’expression « rire jaune ». Cependant, ces différentes pistes de réflexion permettent de mieux comprendre comment elle a évolué au fil du temps et pourquoi elle est aujourd’hui si familière pour décrire un rire contraint, moqueur et sans réelle joie.